jeudi 22 novembre 2012

Séance du 04 décembre 2012

Date et heure: mardi 04 décembre 2012 de 19h à 21h
Lieu: Pôle des Langues et Civilisations: 65 rue des grands moulins - 75013 Paris
Salle: communiquée ultérieurement

Titre: Le marquage actanciel des verbes actifs/statifs parmi les langues arawak
Auteur: Tom Durand (INALCO - Sedyl)

Les langues arawak, de par leur grande diversité, présentent des classes de verbes parfois bien différentes, où le marquage actanciel est plus ou moins associé au critère actif/statif. Si, pour la majorité, nous avons un système constitué d’une classe de verbes actifs, utilisant un marquage de l'agent, et d’une classe de verbes statifs, utilisant un marquage du patient, il existe de nombreux cas particuliers que nous détaillerons cas par cas.
Les langues du groupe campa, par exemple, possèdent un système d’intransitivité fluide tout en comprenant une classe de verbes – actions involontaires (éternuer, respirer, souffrir…), verbes de mouvement (marcher, nager, monter…) - ayant un marquage actanciel préfixal différencié. Pour le wayuu/guajiro et l’añun/paraujano, la distinction entre verbes actifs et statifs existe bien, mais le critère transitif/intransitif sera tout aussi important pour déterminer le marquage actanciel du verbe.


 

mardi 16 octobre 2012

Séance du 23 octobre 2012

Date et heure: mardi 23 octobre 2012 de 19h à 21h
Lieu: Pôle des Langues et Civilisations: 65 rue des grands moulins - 75013 Paris
Salle: communiquée ultérieurement

Titre: Autour de bí / bíi en yorùbá
Auteur: Nicolas Aubry (INALCO - LLACAN)

La forme bí / bíi (‘comme’, ‘si’, ‘alors que’) du yorùbá manifeste une polysémie intra et inter catégorielle. En termes de catégories, il est susceptible d’un emploi de préposition (1) ou de conjonction (2-3) – cf. fr. Il ment comme un arracheur de dents / il ment comme il respire). Cependant, certaines de ses propriétés constituent des indices forts d’une origine nominale :
  1. La possibilité (très bien décrite par Déchaine (2001:97ff)) pour les verbes à ton lexical bas d’être réalisés à ton moyen devant lui, comme ils le feraient devant leur objet nominal (vs pronominal).
  2. La variante (pour la préposition) bíi dont le prolongement vocalique sur ton moyen rappelle la marque de détermination nominale qui apparaît quand le nom déterminant est à initiale consonantique (ilé e Túndé ‘la maison de Túndé’).
En tant que conjonction, il introduit des propositions similatives (en ‘comme’), mais également des temporelles (simultanéité et antériorité immédiate) (4) et même conditionnelles (5). Dans tous ces emplois de conjonction, un phénomène remarquable se produit : les subordonnées sont soumises à une contrainte, à savoir qu’un élément (glosé ici pv pour " préverbe " (ti ou ṣe dans le cas des temporelles / similatives, bá dans le cas de la conditionnelle)) doit en marquer le verbe. D’un point de vue synchronique, ce phénomène rappelle la présence obligatoire d’un tel " préverbe " dans certains cas d’extraction. D’un point de vue diachronique, on peut le rapprocher du résultat d’une extraction de l’objet du premier verbe d’une série verbale, ce qui peut être vu comme un indice supplémentaire de l’origine nominale de bí (qui serait, historiquement, avec le sens de ‘manière’, cet objet extrait).
Nous insisterons sur l’aspect diachronique, en proposant notamment une étymologie de bí qui nous amène, par reconstruction interne (not. en convoquant d’autres marques de similarité comme báwo ‘comment ?’ ou báyìí ‘ainsi’) et utilisation de données dialectales, à proposer une forme nominale bA. On trouve d’ailleurs, avec bayíí, de possibles attestations de la construction " source " mentionnée supra (i.e., avec série verbale), sans extraction. Un exemple issu du plus célèbre roman yorùbá, Ogbójú Ọdẹ de D. O. Fágúnwà, est donnée en (6).

(1) […] ó tutù bíi àdàbà […]
             3s ê.froid comme colombe
‘Il est calme comme la colombe’

(2) [] wọ́n kìí lọ sí kíláàsì bí ó ṣe yẹ láti kọ́ àwọn ọmọ wọ̀nyí 
             3p. neg.hab aller prep classe comme 3s pv convenir pour enseigner pl enfant dem.pl
 ‘[...] ils ne vont pas en classe comme il convient pour enseigner à ces enfants.’

(3) Ǹjẹ́ ìwọ ọ̀rẹ́ mi tí o kò mọ bí o ṣe lè bá ọmọ rẹ sọ̀rọ̀ [...]
     int 2s.ind ami 1s rel 2s neg savoir comment 2s pv pouvoir faire.avec enfant 2s parler
  ‘Est-ce que toi mon ami qui ne sait pas comment tu peux parler avec ton enfant [...]’

(4) Bí ó ti dé Ogbómọ̀ṣọ́ , o lọ kí Baálẹ̀ Oyèwùnmí
Quand 3s pv arriver Ogbomosho / 3s aller saluer chef Oyewunmi
‘Quand il est arrivé à Ogbomosho, il est allé saluer le chef Oyewunmi’

(5) Bí o bá ń fẹ́ oògùn sí àìsàn rẹ [...]
Si 2s pv imp vouloir remède prep maladie 2s
‘Si tu veux un remède à ta maladie […]’

(6) Ó dùn mí pé ìyàwó mi e báyìí lọ [Ogbójú Ọdẹ, p. 46]
3s faire.mal 1s épouse 1s faire ainsi partir
‘Cela m’a fait mal que mon épouse parte de cette manière’ 

Références
Abraham, Roy C. 1949. Dictionary of Modern Yoruba. Londres : University of London Press.
Bamgboṣe, Ayọ. 1966. A Grammar of Yoruba. Cambridge: Cambridge University Press.
Déchaine, Rose-Marie. 2001. « On the left edge of Yorùbá complements ». Lingua vol. 111, no2, pp. 81-130.


vendredi 6 avril 2012

Séance du 10 avril 2012

Date et heure: mardi 10 avril 2012 de 19h à 21h
Lieu: Pôle des Langues et Civilisations: 65 rue des grands moulins - 75013 Paris
Salle: communiquée ultérieurement

Titre: Polysémie intégrée aux dérivations sémantiques du wolof
Auteur: Olivier Bondéelle (Université Paris-Ouest Nanterre et CNRS-MoDyCo; Leiden University et LUCL)

Résumé :
Cette présentation décrit des structures dans le lexique obtenues par la polysémie intégrée aux dérivations sémantiques.
La notion de dérivation sémantique a été introduite par I. Mel'čuk et A. Zolkovsky dans les années soixante pour formaliser
des relations récurrentes entre unités lexicales comme enseignement enseigner.
Ce concept de dérivation sémantique est utile pour discriminer des acceptions d’une unité lexicale comme élever (des enfants) vs élever (des animaux).
Dans cet exemple, le dérivé sémantique qui désigne l’actant 1 dans la première acception est nourrice. L’actant 1 est agriculteur dans la seconde acception.
Le lexique wolof donne l'exemple de dérivations sémantiques zéro systématiques (conversions catégorielles)
qui génèrent de la polysémie régulière intégrée à la dérivation sémantique, comme liggéey (V) ‘travailler, travailler qqun (jeter un sort)’ / liggéey (N) ‘travail, sort’.
J’utilise cette malléabilité catégorielle pour décrire simultanément des verbes et des noms polysémiques reliés par une dérivation sémantique.
Je décrirai la polysémie intégrée à des paires de dérivés sémantiques comme ragal (V) ‘avoir peur, avoir peur de qqun’ / ragal (N) ‘peur, peureux’,
et à des familles de dérivés sémantiques comme bind (V) ‘créer, écrire’ / mbind (N) ‘écriture, texte magique’ / téere (N) ‘livre, gris-gris’ / àlluwa (N) ‘ardoise, savoir coranique’.
Dans les quelques exemples que je donne, je souligne le rôle prépondérant de la conversion dans la structuration du lexique wolof.
J’accorde une attention particulière aux conversions catégorielles et je discute la terminologie employée dans la littérature pour désigner ces unités verbo-nominales.

Références
Barque, L. 2008. Description et formalisation de la polysémie régulière du français, université Paris-Diderot (thèse).
Creissels, D. 2006. Syntaxe générale, une introduction typologique ; vol. 1. Hermès, Lavoisier.
Mel'cuk, I., 1996, Cours de morphologie générale, Vol. 3, Presses de l'universitéde Montréal -CNRS, Montréal, Paris.
Mel'čuk , I. et al. 1995. Introduction à la lexicologie explicative et combinatoire Duculot
Saussure (De), F. 1995. Cours de linguistique générale. Payot.

dimanche 18 mars 2012

Séance du 20 mars 2012

Date et heure: mardi 20 mars 2012 de 18h30 à 20h30
Lieu: Pôle des Langues et Civilisations: 65 rue des grands moulins - 75013 Paris
Salle: communiquée ultérieurement

Titre: Compléments résultatifs et expression de la subjectivité en chinois
Auteur: Odile Roth, Inalco - CRLAO, UMR 8563 du CNRS

Résumé:
Le but de cet exposé est de mettre en évidence le rôle que peuvent jouer certains compléments résultatifs dans l’expression de la subjectivité en chinois contemporain.
Les constructions résultatives du chinois contemporain sont généralement décrites comme l’association d’un verbe d’action et d’un complément résultatif de nature verbale (verbe d’action ou verbe d’état) indiquant le résultat engendré par l’action du premier verbe. Ces compléments résultatifs sont traditionnellement répartis en trois catégories, en fonction du type de résultat qu’ils dénotent : les résultatifs d’état décrivent un état résultant de l’action du verbe ; les résultatifs directionnels indiquent la direction dans laquelle s’effectue l’action du verbe. La dernière catégorie de résultatifs regroupe quant à elle l’ensemble des compléments résultatifs n’entrant ni dans la première, ni dans la seconde catégorie. Sa définition reste assez floue, mais l’ensemble des auteurs s’accordent pour dire que son rôle est d’apporter une information de type aspectuel au premier verbe de la structure. Ainsi, des verbes tels que dào « arriver », diào « tomber », hăo « être bon, être prêt » perdent leur sens initial lorsqu’ils sont employés en tant que compléments résultatifs, et sont employés pour indiquer que l’action est arrivée à son terme, qu’elle a abouti au résultat escompté.
Exemples :
(1) zhăo « chercher » et zhăo-dào « trouver »
(2) cā « essuyer » (faire le geste de frotter) et cā-diào « essuyer » (faire partir une tache)
(3) zuò « faire » et zuò-hăo « achever »

Or, il arrive qu’un même verbe puisse être employé avec plusieurs compléments résultatifs de type aspectuel, ce qui conduit à de notables différences de sens :
(4) chī « manger » et chī-hăo « finir de manger »
(5) chī-diào « engloutir »
(6) chī-dào « avoir l’occasion de manger »

Nous analyserons ce phénomène comme une résurgence des sens verbaux initiaux des compléments résultatifs, qui ne peut se produire que dans des configurations d’énoncé bien particulières, et montrerons qu’un locuteur peut sciemment faire un choix parmi plusieurs compléments résultatifs pour faire porter sa marque sur l’énoncé. En effet, dans les exemples (5) et (6), le complément résultatif n’est plus seulement employé pour marquer l’arrivée à terme d’une action, mais comporte une évaluation sur la manière dont s’effectue l’action. Ces valeurs de subjectivité ne pouvant s’apprécier pleinement qu’au sein de leur situation d’énonciation, nous prendrons soin au cours de l’exposé de citer les énoncés dans leur intégralité, accompagnés de leur contexte si nécessaire.


Références :
kerbrat-orecchioni, Catherine (1997), 3ème édition (1ère édition 1980) L’énonciation – De la subjectivité dans le langage, Armand Colin, 290 p.
Lagae, Véronique et al. (eds), 2002, Temps et aspect : de la grammaire au lexique, Cahiers Chronos 10, 215 p.
Li, Charles et Sandra A. Thompson (1981), Mandarin Chinese: a functional reference grammar, Berkeley: University of California Press, 691 p.
Liu, Yan (2007), “V 掉”的语义类型与“掉”的虚化V-diào de yŭyì lèixíng yŭ diào de xūhuà [Typologie des sens de V-diào et grammaticalisation de diào], dans 中国语文 Zhōngguó Yŭwén 2, pp. 133-143
Robert, Stéphane (1994), « Rôle du sujet énonciateur dans la construction du sens », dans Subjecthood and Subjectivity, Ophrys, pp. 209-229
Rygaloff, Alexis (1973), Grammaire élémentaire du chinois, PUF, 261 p.
Tournadre, Nicolas (2004), « Typologie des aspects verbaux et intégration à une théorie du TAM », dans Bulletin de la Société de linguistique de Paris, t. XCIX, fasc. 1, p. 7-68
Xu, Dan (et al.), 2008, Les résultatifs du chinois contemporain : dictionnaire pratique, L’Asiathèque, 348 p.

mardi 28 février 2012

Séance du 5 mars 2012

Date et heure: lundi 5 mars 2012 de 19h à 21h
Lieu: Pôle des Langues et Civilisations: 65 rue des grands moulins - 75013 Paris
Salle: amphi 5

Titre: Antisymétrie et analyses du DP en chinois
Auteur: Xiaoliang Huang, université Paris-Diderot

Le présent travail vise à offrir une nouvelle analyse pour la structure interne du DP i.e. Determiner Phrase en chinois. Plus précisément, la séquence démonstratif-numéral-classificateur-(DE)-nom est examinée et sera analysée comme faisant intervenir une petite proposition dans laquelle la partie prédicative se déplace à gauche du déterminant. Mon étude s'inscrit dans le cadre de la grammaire générative et s'appuie essentiellement sur les recherches sur la linéarisation et l'antisymétrie de la syntaxe. Cet exposé s'organise de la manière suivante: premièrement, présenter une rétrospective des études de la linéarisation et des problématiques concernées; deuxièmement, considérer des données en provenance du chinois.

La linéarisation est une dimension importante dans la grammaire générative. Le modèle Principes & Paramètres propose la notion de directionnalité pour rendre compte de la diversité linguistique en termes d'ordre de mots. Ainsi, une préposition est simplement considérée comme ayant son complément à droite, et une postposition comme ayant son complément à gauche. Pourtant, la directionnalité, sujet de paramétrisation d'ordres, se montre incapable d'expliquer certains phénomènes. C'est par exemple le cas du hongrois, quand on examine l'accord entre une préposition tête et son complément. En chinois, il existe aussi des constructions dans lesquelles la paramétrisation semble aléatoire, sur quoi le Principe de directionnalité reste muet.

Kayne (1994) a avancé l'Axiome de Correspondance linéaire, qui consiste à dire que l'ordre linéaire résulte de l'application de la hiérarchie syntaxique. Autrement dit, étant donné une représentation syntaxique, la dimension horizontale exprimée en termes de précédence ou succession est un héritage direct de la dimension verticale configurée en termes de dominance. L'aspect le plus essentiel de cette théorie est que deux éléments syntaxiques sont interdits de se mettre en relation de symétrie, sinon ils seront non-linéarisables l'un par rapport à l'autre. Cette interdiction est connue sous le nom de "antisymétrie".

L'hypothèse de Kayne est hautement rigide et de nature très représentationnelle. Le manque de flexibilité constitue un des reproches le plus mentionné contre cette théorie. Sa nature représentationnelle est aussi incompatible avec un modèle dérivationnel, ce vers quoi la grammaire générative évolue. Des nouvelles versions de théorie de linéarisation ont été proposées au fur et à mesure, elles visent souvent à affaiblir la rigidité de l'hypothèse kaynienne et la tendance générale de ces théories est d'étudier des constructions symétriques dans les langues et les manières dont elles sont "réparées". Moro (2000) représente un effort déployé dans ce sens. Il établit une "typologie" des constructions symétriques et propose un mécanisme de réparation par déplacement. Une de ces construction est la phrase copulative dans laquelle la copule relie deux DPs:

(1) John is the cause of the riot.

En termes de Moro, cette phrase est construite par VP is qui choisit une petite proposition composée de deux DP, à savoir John et the cause of the riot. Ces deux DP constituent une symétrie et l'un d'entre-eux doit se déplacer à la position SpecVP.

Cette analyse de phrase copulative est la base pour les discussions du chinois. En chinois, un NP a typiquement la structure suivante: démonstratif-numéral-classificateur-(DE)-nom. Dans cette construction, la séquence numéral-classificateur-nom peut être analysée comme résultant du déplacement d'une petite proposition composée de numéral et classificateur vers la position specifieur du nom tête. Cette opération est contrainte par la nature du classificateur, qui doit être un classificateur massique

Dans cet exposé, je vais argumenter que cette contrainte est de nature plutôt sémantique que syntaxique. Par conséquent, la même séquence avec un classificateur comptable peut aussi recevoir la même prise en compte. Une hypothèse cruciale dans cette analyse est que le relateur de en chinois est un déterminant.

mercredi 8 février 2012

Séance du 14 février 2012

Date et heure: mardi 14 février 2012 de 18h30 à 20h30
Lieu: Pôle des Langues et Civilisations: 65 rue des grands moulins - 75013 Paris
Salle 5.05

Suite de la séance précédente
Titre: Dépendance du sujet dans la construction en ko du coréen
Auteur: Jihye Chun (Université Paris-Ouest Nanterre La Défense - MoDyCo CNRS)

mardi 31 janvier 2012

Séance du 7 février 2012

Date et heure: mardi 7 février de 19h à 21h
Lieu: Pôle des Langues et Civilisations: 65 rue des grands moulins - 75013 Paris
Salle 5.01

Titre: Dépendance du sujet dans la construction en ko du coréen
Auteur: Jihye Chun (Université Paris-Ouest Nanterre La Défense - MoDyCo CNRS)

Résumé:
Après avoir fait une esquisse de quelques bases de la syntaxe du coréen comme la forme verbale, l’ordre des mots etc., nous montrons que l’ordre des mots en coréen laisse penser que dans une construction en ko dans laquelle deux verbes contrôlent le même sujet, celui-ci peut dépendre du dépendant verbal, ce qui contredit une interprétation purement « syntaxique » dans la théorie du liage.
Prenons l’exemple suivant :

(1) Yeongi-ka doseokwan-e keu kabang-eul deul-ko ka-ss-da
Yeongi-SUJ bibliothèque-LOC ce sac-ACC porter-TS aller-P-DEC
‘Yeongi est allée à la bibliothèque avec ce sac’

C’est une construction à contrôle dans laquelle le sujet sous-jacent du dépendant verbal est contrôlé par le verbe principal. Autrement dit, le V1 (le verbe principal, ka-ss-da) et le V2 (le dépendant verbal, deul-ko) ont le même sujet coréférent dont un seul est réalisé. En grammaire générative, cette construction est interprétée comme si c’était le verbe principal qui régit le sujet, alors que le sujet du V2 est indiqué en termes de PRO (Chomsky 1981). Pourtant, en manipulant l’ordre des mots, nous nous rendons compte qu’il serait possible que le sujet se place juste devant le V2 (2a) ou bien (peu) envisageable que le sujet se place juste devant le V1 (2b) :

(2) a. keu kabang-eul Yeongi-ka deul-ko doseokwan-e ka-ss-da
ce sac-ACC Yeong-SUJ porter-TS bibliothèque-LOC aller-P-DEC
‘Yeongi est allée à la bibliothèque avec ce sac’


b. ?? keu kabang-eul deul-ko doseokwan-e Yeongi-ka ka-ss-da
ce sac-ACC porter-TS bibiliothèque-LOC Yeongi-SUJ aller-P-DEC

Ces exemples nous permettent de nous demander si l’idée de PRO du V2 est pertinente et si c’est le V1 qui régit directement le sujet grammatical. Nous émettons donc l’hypothèse que l’on peut avoir un autre arbre de dépendance dans lequel le sujet dépend plutôt du V2.
Pour analyser la phrase (2a), en nous référant aux travaux de Blanche-Benveniste (2002), Chun (2009), Combettes (1998), Kong (1981), Roulet (2002), nous analysons la phrase (2a) comme un énoncé ayant deux unités indépendantes: 1) Yeongi a porté ce sac 2) Elle est allée à la bibliothèque. Le lien coréférentiel entre Yeongi et elle est établi en termes de l’unité de perception (Kong 1981) ou de mémoire discursive (Roulet 2002). Le coréen est une langue à pro-drop (Lee 1986), d’où la possibilité de ne pas avoir « elle » dans la deuxième unité. D’ailleurs, le fait qu’il y a une pause après la première unité montre le détachement de la deuxième unité. Ces éléments nous amènent à penser qu’en coréen, contrairement au point de vue génératif, le V2 peut former une unité détachée ayant le sujet lui-même dans la construction à contrôle.

Abréviation 
SUJ : sujet, ACC : accusatif, LOC : locatif, TS : translatif en substantif, P : passé, DEC : déclaratif

Références
Blanche-Benveniste, Claire. 2002. Phrase et construction verbale, Verbum 24, pp.7-22.
Chomsky, Noam. 1981. Lectures on Government and Binding. Dordrecht:Foris.
Chun, Jihye. 2009. Korean Subject Attachment in Predicative Chains, Proceedings of MTT (Meaning-Text Theory)’09, Montréal, 26-28 juin 2009.
Combettes, Bernard. 1998. Les constructions détachées en français, Paris : Ophrys.
Kong, Young-Il. 1981. Daemyeongsa-wa Munjang-eui Inji (Pronom et perception de la phrase), Eoneo-wa eoneohak (Langue et linguistique) 7, pp.91-109.
Lee, Chongmin. 1986. Pro Drop in Korean, Eohak (Linguistique) 13, pp.83-94.
Roulet, Eddy. 2002. Le problème de la définition des unités à la frontière entre le syntaxique et le textuel, Verbum 24, pp.161-178.