jeudi 23 décembre 2010

Séance du mardi 18 janvier 2011

Date et heure: mardi 18 janvier à 19h
Lieu: Département Afrique de l'Inalco RDC - 10 rue Riquet 75019 Paris, Métro Riquet

Titre: Sur une matrice marqueurs-fonctions à travers une variété de langues
Auteur: René-Joseph Lavie, MoDyCo (Université Paris Ouest Nanterre la Défense )

Résumé:
En même temps qu'il donne de la polyphonie une définition sémantique précise, Ducrot (1984) qualifie comme polyphoniques – ou les conjecture telles – une série de fonctions ou structures linguistiques : négation, imparfait, argumentalité/nominalité/nominalisation, exclamation, etc.

Faite d'abord sur le français seul, cette théorie a ensuite eu des extensions éparses à plusieurs autres langues, la conjecture latente étant que le fait polyphonique traverse toutes les langues. D'autres ont aussi proposé de voir comme polyphoniques de nouvelles fonctions : Lescano (2008) pour l'opposition de définitude en français et en espagnol, Donaire (2009) pour l'antéposition de l'adjectif épithète en français, Lavie (2010) pour la subordination, pour n'en citer que quelques uns.

Dans une langue, le marquage de la polyphonie n'est ni univoque ni systématique. Toutefois il arrive non rarement que deux fonctions polyphoniques soient dénotées par le même marqueur; par exemple en français, la subordination et l'exclamation (marqueur qu-). Ces fonctions ayant été couramment analysées comme sans rapport entre elles, on a pu dire 'polycatégoriels' les marqueurs en question; ils le sont en effet si l'on s'en tient à une approche distributionnelle.

Disposant en lignes des marqueurs (chacun d'une langue) et en colonnes des fonctions polyphoniques on obtient une matrice de coïncidences où l'on voit que des langues diverses, de groupes différents, tendent à marquer semblablement plusieurs fonctions polyphoniques. La matrice est peuplée au-delà de la simple fortuité, ce qui constitue un fait intéressant; mais elle est lacunaire. Je la prends comme un outil heuristique : (A) si une langue marque d'un marqueur polyphonique une fonction jusque là non reconnue telle, peut-on conclure que cette fonction est polyphonique ? (B) si une langue présente deux marqueurs homophones, analysés jusque là comme distincts mais correspondant à des fonctions clairement polyphoniques dans d'autres langues, faut-il dans la première reconnaître de la polyphonie, analyser le marqueur comme un seul objet linguistique, et re-décrire dans cette langue les fonctions en question comme polyphoniques ?

Je présenterai une matrice de fonctions de marqueurs pris dans les langues suivantes: latin, langues romanes, langues germaniques, japonais, vietnamien, nahualt classique, inuktitut, yaqui, swahili. J'inviterai les auditeurs à dire si dans les langues dont ils sont spécialistes ils trouvent matière à la compléter. Nous nous interrogerons sur la validité – ou non – des raisonnements (A) et (B) ci-dessus : que doit être le taux de remplissage de cette matrice pour ne pas risquer des abus, ne pas prendre pour comptant des homonymies accidentelles. L'exploitation de la matrice tendant à étendre le périmètre fonctionnel, une dilution se profile; nous chercherons à cerner ce qu'il y a de sous-jacent à ces coïncidences (polyphonie ou autre, propriétés critériales ? air de famille ? forme de la théorie qui en rendrait compte) de manière à mieux répondre à cette apostrophe récente d'un collègue : "J'attends que l'on me dise ce qui n'est pas polyphonique".

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Ducrot, Oswald (1984) Le dire et le dit, Paris, Minuit.

Donaire, Maria-Luisa (2009) La place de l'adjectif dans les stratégies énonciatives, Limoges, Lambert-Lucas.

Lavie, R.-J. (2010) "Pour une approche non spécifique du TAM", Douay, Catherine (éd.) Système et chronologie, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2010.
http://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00511409/fr/

Lescano, Alfredo (2008) Vers une grammaire argumentative de la phrase, le cas de l'article défini et indéfini en français et en espagnol, Thèse, Paris, EHESS.

lundi 20 décembre 2010

Séance du mardi 4 janvier 2011

Date et heure: mardi 4 janvier à 19h
Lieu: Département Afrique de l'Inalco RDC - 10 rue Riquet 75019 Paris, Métro Riquet

Titre: l'agentivité en guarani
Auteur: Tom Durand

Résumé:
Le guarani est une langue amérindienne de la grande famille tupi-guarani, une famille bien étudiée et très répandue en Amérique du Sud comportant près de cinquante langues. Elle fait partie de la catégorie relativement rare des langues actives-statives, qui construisent les verbes selon l'agentivité des actants.
L'étude de l'agentivité dans cette langue sera par conséquent axé principalement sur les morphèmes désignant la personne, certains étant particulièrement polysémiques. Nous nous intéresserons également à plusieurs marqueurs de la voix qui sont très usités pour mettre en relation les actants, tels que les causatifs, les réflexifs ou les marqueurs de la réciprocité. D'autres points seront mentionnés, comme la nature des verbes, l'incorporation nominale ou les marqueurs d'évidentialité.
Devant le nombre et l'hétérogénéité des éléments que nous allons aborder, nous nous focaliserons bien sûr sur la nature et le comportement de chaque élément, mais aussi et surtout sur la distribution de ces éléments entre eux; sur l'obligation d'utiliser tel élément en présence d'un autre; ou sur la substitution de tel autre élément par tel autre.

vendredi 3 décembre 2010

Séance du 7 décembre 2010

Date et heure: mardi 7 décembre à 19h
Lieu: Département Afrique de l'Inalco RDC - 10 rue Riquet 75019 Paris, Métro Riquet

Titre: Changements syntaxiques dans le yorùbá de la presse (1930-2010) : traitement automatique d’un corpus diachronique et analyse des résultats.
Auteur: Nicolas Aubry (LLACAN - INALCO)
D'après la thèse du même titre

Résumé:
Cette thèse présente une étude de certains changements syntaxiques du yorùbá (Nigeria) de la presse, repérés à partir de sources écrites sur une période, relativement courte, de huit décennies. En raison de cette profondeur historique relativement faible – mais qui représente un quasi maximum pour cette langue pour qui souhaite disposer d’un corpus homogène – les changements repérés et analysés sont évidemment légers.
Comme arrière-plan à cette étude, une description des structures de base du yorùbá dans le cadre théorique de la Grammaire Lexicale Fonctionnelle (Lexical Functional Grammar, LFG) est proposée. Elle couvre principalement le syntagme nominal et le syntagme verbal, avec une attention particulière pour les constructions verbales sérielles (CVS), très fréquentes dans cette langue et définies ici – de façon consensuelle – comme des constructions (a) multiverbales, (b) monoclausales et (c) sans marque explicite de subordination ou coordination.
Avec cet arrière-plan, un traitement automatique est effectué, par un étiqueteur morphosyntaxique, d'un corpus diachronique de 400 000 mots constitué de journaux publiés entre les années 1930 et les années 2000, saisi et standardisé manuellement. Les résultats de cet étiquetage servent dans un deuxième temps de données pour repérer et analyser des changements syntaxiques intervenus au cours de cette période. L'accent est mis sur les phénomènes de grammaticalisation et les constructions verbales sérielles.
Le premier chapitre présente le yorùbá dans le cadre théorique de la Grammaire Lexicale Fonctionnelle et décrit l’étiqueteur morphosyntaxique. Ce dernier exploite notamment une propriété du yorùbá précieuse en termes de calculabilité – une relation de quasi implication entre initiale vocalique et catégorie nominale – pour un étiquetage “ robuste ”, basé sur la forme, d’une grande part des substantifs.
Le deuxième chapitre présente la presse yorùbá d’un point de vue historique, décrit le corpus et sa standardisation et se clôt sur une étude succincte du vocabulaire de la presse. Cette dernière s’attarde sur certains champs lexicaux correspondant à des thèmes particulièrement présents dans les journaux, et propose une étude des fréquences respectives des deux termes de trois paires ‘mot yorùbá / emprunt à l’anglais’ en diachronie.
Le troisième chapitre présente les changements syntaxiques découverts. Dans un premier temps, les évolutions de la fréquence des principales catégories morphosyntaxiques, issues de l’étiquetage automatique, sont présentées sous forme graphique et commentées. Dans un second temps, le comportement en diachronie de certains éléments historiquement verbaux (pẹ̀lú, bá), présents dans des constructions verbales sérielles, est étudié avec plus d’attention et une analyse en termes de grammaticalisation en est proposée.