mardi 31 janvier 2012

Séance du 7 février 2012

Date et heure: mardi 7 février de 19h à 21h
Lieu: Pôle des Langues et Civilisations: 65 rue des grands moulins - 75013 Paris
Salle 5.01

Titre: Dépendance du sujet dans la construction en ko du coréen
Auteur: Jihye Chun (Université Paris-Ouest Nanterre La Défense - MoDyCo CNRS)

Résumé:
Après avoir fait une esquisse de quelques bases de la syntaxe du coréen comme la forme verbale, l’ordre des mots etc., nous montrons que l’ordre des mots en coréen laisse penser que dans une construction en ko dans laquelle deux verbes contrôlent le même sujet, celui-ci peut dépendre du dépendant verbal, ce qui contredit une interprétation purement « syntaxique » dans la théorie du liage.
Prenons l’exemple suivant :

(1) Yeongi-ka doseokwan-e keu kabang-eul deul-ko ka-ss-da
Yeongi-SUJ bibliothèque-LOC ce sac-ACC porter-TS aller-P-DEC
‘Yeongi est allée à la bibliothèque avec ce sac’

C’est une construction à contrôle dans laquelle le sujet sous-jacent du dépendant verbal est contrôlé par le verbe principal. Autrement dit, le V1 (le verbe principal, ka-ss-da) et le V2 (le dépendant verbal, deul-ko) ont le même sujet coréférent dont un seul est réalisé. En grammaire générative, cette construction est interprétée comme si c’était le verbe principal qui régit le sujet, alors que le sujet du V2 est indiqué en termes de PRO (Chomsky 1981). Pourtant, en manipulant l’ordre des mots, nous nous rendons compte qu’il serait possible que le sujet se place juste devant le V2 (2a) ou bien (peu) envisageable que le sujet se place juste devant le V1 (2b) :

(2) a. keu kabang-eul Yeongi-ka deul-ko doseokwan-e ka-ss-da
ce sac-ACC Yeong-SUJ porter-TS bibliothèque-LOC aller-P-DEC
‘Yeongi est allée à la bibliothèque avec ce sac’


b. ?? keu kabang-eul deul-ko doseokwan-e Yeongi-ka ka-ss-da
ce sac-ACC porter-TS bibiliothèque-LOC Yeongi-SUJ aller-P-DEC

Ces exemples nous permettent de nous demander si l’idée de PRO du V2 est pertinente et si c’est le V1 qui régit directement le sujet grammatical. Nous émettons donc l’hypothèse que l’on peut avoir un autre arbre de dépendance dans lequel le sujet dépend plutôt du V2.
Pour analyser la phrase (2a), en nous référant aux travaux de Blanche-Benveniste (2002), Chun (2009), Combettes (1998), Kong (1981), Roulet (2002), nous analysons la phrase (2a) comme un énoncé ayant deux unités indépendantes: 1) Yeongi a porté ce sac 2) Elle est allée à la bibliothèque. Le lien coréférentiel entre Yeongi et elle est établi en termes de l’unité de perception (Kong 1981) ou de mémoire discursive (Roulet 2002). Le coréen est une langue à pro-drop (Lee 1986), d’où la possibilité de ne pas avoir « elle » dans la deuxième unité. D’ailleurs, le fait qu’il y a une pause après la première unité montre le détachement de la deuxième unité. Ces éléments nous amènent à penser qu’en coréen, contrairement au point de vue génératif, le V2 peut former une unité détachée ayant le sujet lui-même dans la construction à contrôle.

Abréviation 
SUJ : sujet, ACC : accusatif, LOC : locatif, TS : translatif en substantif, P : passé, DEC : déclaratif

Références
Blanche-Benveniste, Claire. 2002. Phrase et construction verbale, Verbum 24, pp.7-22.
Chomsky, Noam. 1981. Lectures on Government and Binding. Dordrecht:Foris.
Chun, Jihye. 2009. Korean Subject Attachment in Predicative Chains, Proceedings of MTT (Meaning-Text Theory)’09, Montréal, 26-28 juin 2009.
Combettes, Bernard. 1998. Les constructions détachées en français, Paris : Ophrys.
Kong, Young-Il. 1981. Daemyeongsa-wa Munjang-eui Inji (Pronom et perception de la phrase), Eoneo-wa eoneohak (Langue et linguistique) 7, pp.91-109.
Lee, Chongmin. 1986. Pro Drop in Korean, Eohak (Linguistique) 13, pp.83-94.
Roulet, Eddy. 2002. Le problème de la définition des unités à la frontière entre le syntaxique et le textuel, Verbum 24, pp.161-178.

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